NE TE TARGUE PAS DE COMPRENDRE

Parler c’est viser l’indicible

Extrait du texte de Luiz Izcovich, Lacan, la tentation*

Un désir, effet de séparation, détaché du programme conçu par l’Autre, et du destin qu’il m’avait forgé.

 » Il y a tout d’abord dans la demande d’analyse une dimension d’alibi. On se présente avec une demande, sans savoir que c’est pour cacher ce qui véritablement nous concerne. Puis, il y a la découverte des désirs cachés : ceux qui n’ont pas été avoués puis ceux qui sont restés de travers, soit parce qu’on a pensé qu’ils étaient impossibles. 

J’ai pris la mesure de tout cela au cours de mes deux analyses effectuées en Argentine. Deux tranches, comme on dit, dont la demande était « à des fins de formation » mais dont le résultat avait été thérapeutique. Mais pour passer de l’un à l’autre, il a fallu me rendre à l’évidence de ce qui fondait mes symptômes, les obstacles à la réalisation de mes désirs, mais surtout, ce qui m’empêchait de regarder la vie, MA vie, en face. J’avais été frappé par la maxime de La Rochefoucauld reprise par Lacan : « Le soleil ni la mort ne peuvent se regarder en face ». J’avais l’impression que je regardais tout le temps la mort en face. Or, la psychanalyse m’avait amené à me faire sentir que c’est seulement à regarder véritablement en face qu’on peut regarder la vie, soit admettre qu’un désir n’est pas forcément au service d’un idéal mais simplement au service de jouir de la vie. 

Si je fais un retour à l’expérience de ce passé dans mon pays d’origine, à partir de ce qui est ma position à l’égard de l’analyse aujourd’hui, est-ce que je peux dire que j’ai effectué une analyse lacanienne ? Au sens stricte, je pourrais témoigner du fait que ce parcours a abouti à un certain nombre de dés-identifications mais surtout à une réconciliation avec des désirs d’enfant qui étaient restés écrasés pour satisfaire le désir de l’Autre. Est-ce que cela a constitué pour autant une caractéristique propre extraite de l’enseignement de Lacan ? Je ne le pense pas. 

(…)

J’ai repris mon analyse en Franc et c’est là que j’ai pu constater la première différence avec les analyses précédentes : surtout que chaque séance, chaque mot, avait une importance capitale. Certes le principe de l’association libre était le même, parler, c’était viser l’indicible, l’au-delà de ce que j’avais toujours pu dire. (…) 


In La clinique lacanienne sous la direction d’Albert Nguyên, Coll° Nouages, Stilus, pp.24 – 27

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