ALORS MOI AUSSI JE DIS NON ?

Pas de Ça, chez nous

Article écrit par Marianne Carabin

Ça parait simple comme bonjour.
Une rencontre comme il y en a mille. Une rencontre comme une autre. Un homme ? Une « femme ». Un bal. Une fête. Un regard. Une danse. Un baiser. Stop. Ça devrait s’arrêter là.
On ne veut plus savoir. Après ça, on ne veut plus savoir.

IMPITOYABLE

A PARTIR DE LA SOLITUDE DE SA CHAMBRE

Extrait d’e lentretien avec Armand Delcampe, 1981, Samuel Beckett et Fin de partie*

(…) Sont passés à côté de l’oeuvre de Beckett, mais il y a toujours eu des hommes de théâtre qui toujours admiré et servi la poésie. Vilar, n’est pas passé à côté de l’oeuvre de Beckett. Il y a toujours eu des hommes de théâtre qui se sont intéressés la poésie et qui l’ont servie. 

(…) Si je pense que Brecht est un grand poète, Beckett c’est autre chose. C’est, Beckett c’est ma vie. « C’est une pièce difficile et elliptique. Elle compte surtout sur la puissance du texte pour prendre aux entrailles. Elle est plus inhumaine que Godot. Mon oeuvre est une question de sons fondamentaux rendus aussi pleinement que possible et je n’accepte pas la responsabilité d’autre chose. Si les gens veulent se casser la tête sur les harmoniques, c’est leur affaire. »

Nous sommes de véritables personnages de théâtre dans une pièce de Beckett –  Peter Brook

LES MOTS DU CHOEUR

Antigone 

Et voilà. Maintenant, le ressort est bandé. Cela n’a plus qu’à se dérouler tout seul. C’est cela qui est commode dans la tragédie. On donne le petit coup de pouce pour que cela démarre, rien,
un regard pendant une seconde à une fille qui passe et lève les bras dans la rue, une envie d’honneur un beau matin, au réveil, comme de quelque chose qui se mange, une question de trop que l’on se pose un soir…
C’est tout. Après, on n’a plus qu’à laisser faire. On est tranquille. Cela roule tout seul. C’est minutieux, bien huilé depuis toujours. La mort, la trahison, le désespoir sont là, tout prêts,
et les éclats, et les orages, et les silences, tous les silences : le silence quand le bras du bourreau se lève à la fin, le silence au commencement quand les deux amants sont nus l’un en face de l’autre pour la première fois, sans oser bouger tout de suite, dans la chambre sombre, le silence quand les cris de la foule éclatent autour du vainqueur — et on dirait un film dont le son s’est enrayé, toutes ces bouches ouvertes dont il ne sort rien, toute cette clameur qui n’est qu’une image, et le vainqueur, déjà vaincu, seul au milieu de son silence…

C’est propre, la tragédie. C’est reposant, c’est sûr…

Dans le drame, avec ces traîtres, avec ces méchants acharnés, cette innocence persécutée, ces vengeurs, ces terre-neuve, ces lueurs d’espoir, cela devient épouvantable de mourir, comme un accident. On aurait peut-être pu se sauver, le bon jeune homme aurait peut-être pu arriver à temps avec les gendarmes. Dans la tragédie, on est tranquille. D’abord, on est entre soi. On est tous innocents, en somme ! Ce n’est pas parce qu’il y en a un qui tue et l’autre qui est tué. C’est une question de distribution. Et puis, surtout, c’est reposant, la tragédie, parce qu’on sait qu’il n’y a plus d’espoir, le sale espoir; qu’on est pris, qu’on est enfin pris comme un rat, avec tout le ciel sur son dos, et qu’on n’a plus qu’à crier, — pas à gémir, non, pas à se plaindre, — à gueuler à pleine voix ce qu’on avait à dire, qu’on n’avait jamais dit et qu’on ne savait peut-être même pas encore. Et pour rien : pour se le dire à soi, pour l’apprendre, soi. Dans le drame, on se débat parce qu’on espère en sortir. C’est ignoble, c’est utilitaire.

Là, c’est gratuit. C’est pour les rois. Et il n’y a plus rien à tenter, enfin !

 

Le Chœur,


1944, Anouilh, J., Antigone

AVIGNON 2019 – JOURNAL DE BORD DE MONSIEUR WILLIAM MESGUICH

Ici, à cette heure, quasi en direct, vous trouverez une perle. Le travail et l’approche théâtrale de William Mesguich aura toujours eu résonance à mon non-sens, et c’est bien là qu’il sonne. Avec la grande amabilité de son aval, vous pourrez lire ses mots tout juste sortis de sa plume. 

Et nous les relirons. Un des offices de nos mots partagés, souvent, est celui du refuge. Alors, cher William, un grand merci à vous. Et bonne lecture à chacun de nos autres. 

MC

LUNDI MATIN, 08 MAI 2017

Le vote blanc n’aura jamais si bien porté sa couleur

Sur la page du réseau social Facebook, nous sommes bientôt 1000 personnes réunies pour nous accorder sur l’amour de s’associer librement, de pouvoir dire et de pouvoir dire non.
Nous sommes, pour notre part, très heureuses de cette aventure qui a éclos il y a bientôt 3 ans et nous désirons sincèrement qu’elle perdure dans l’expansion des partages et de l’ouverture qui nous sont chers.
Cette expansion nous semble aujourd’hui mise en danger par le contexte actuel, ce qui d’un commun accord, nous mène à vous fait part, Margot Ferrafiat-Sebban et moi-même, Marianne Carabin, psychanalystes et fondatrices d’À Corps Perdus, de notre intention de vote pour ce deuxième tour des élections présidentielles.

Nous ne participerons, ni de près ni de loin, à ce que lundi matin chacun d’entre nous prenne son visage entre les mains pour pleurer des larmes qui auraient une amertume dont on ne peut seulement ignorer le poids.

Dimanche nous voterons et nous ne voterons pas blanc.

Bien à vous,
Marianne Carabin

4h48 PSYCHOSE

‘Rien qu’un mot sur une page et tout le théâtre est là.’

Article écrit par Marianne Carabin

Sarah Kane, l’auteure, est morte à l’âge de 28 ans. A peine.
Pendue avec ses lacets lors de son ultime hospitalisation en institution psychiatrique. Reconnue par quelque Harold Pinter ou autre Edward Bond d’une part, décriée comme une adolescente provocante et suicidaire par d’autres, Sarah Kane interroge une réalité on ne peut plus d’actualité puisque se soulève à travers ses mots, à travers son texte, à travers sa réalité de vie mise en mots, mise en scène, à l’heure où sonne encore la perplexifiante dernière version du DSM (bible d’une des plus importantes politiques économiques), la question brûlante non seulement du diagnostique mais celle, non moins aigue, de l’institution publique hospitalière (ici psychiatrique) et de ses révolutions budgétaires qui affectent tant les moyens que les pratiques de soin.