L’ESPRIT DU MOT WITZ …

La relation du mot d’esprit au rêve et à l’inconscient

[ … ] De la comparaison qu’on établit entre le contenu manifeste du rêve qui se trouve remémoré et les pensées latentes du rêve qu’on a découvertes de cette manière, résulte le concept de “travail du rêve”. Par le terme de travail du rêve, on désignera la somme totale des processus de transformation qui ont opéré le passage des pensées latentes du rêve au rêve manifeste. Ainsi donc, c’est au travail du rêve que s’attache le sentiment d’étrangeté que le rêve avait suscité auparavant en nous.

Cela dit, l’activité que réalise le travail du rêve peut être décrite de la façon suivante : un assemblage généralement très compliqué de pensées, qui a été construit durant la journée et qui n’a pas été mené à bonne fin (c’est à dire un reste diurne) continue à maintenir durant la nuit le montant d’énergie qu’il requiert (c’est à dire l’intérêt qui lui est porté) et menace de perturber le sommeil. Le travail du rêve transforme ce reste diurne en un rêve et l’empêche de nuire au sommeil. Pour donner une prise au travail du rêve, le reste diurne doit être apte à la formation d’un désir, condition qui n’est pas précisément difficile à remplir. Le désir issu des pensées du rêve forme le stade préliminaire et, plus tard, le noyau du rêve. L’expérience acquise grâce aux analyses – et non pas à la théorie du rêve – nous dit que chez l’enfant n’importe quel désir qui demeure à l’état de veille suffit à provoquer un rêve, rêve qui, dans ce cas, est cohérent et sensé, mais généralement de courte durée et qu’on identifie facilement comme étant l’”accomplissement d’un désir”. Chez l’adulte, il existe, semble-t’il, une condition universellement valable à laquelle doit satisfaire le désir créateur de rêve, à savoir qu’il soit étranger à la pensée consciente, qu’il s’agisse donc d’un désir refoulé ou, du moins, qu’il puisse subir des actions de renforcement inconnues de la conscience. Si je ne faisais pas l’hypothèse de l’inconscient au sens exposé plus haut [ p. 269 ], je ne saurais développer davantage la théorie du rêve ni interpréter le matériel fourni par l’expérience des analyses de rêves. Le résultat de l’action exercée par ce désir inconscient sur le matériel livré par les pensées du rêve, matériel qui pour la conscience est pertinent, c’est le rêve. A l’occasion de cette opération, ce matériel se trouve en quelque sorte abaissé vers l’inconscient ou, plus précisément, soumis à un traitement similaire à celui qui existe au niveau des processus de pensée inconscients et qui est caractéristique de ce niveau. Nous ne connaissons jusqu’ici les caractères de la pensée “préconsciente”, pensée susceptible de devenir consciente, qu’à partir, précisément, des résultats du “travail du rêve”.

 

FREUD, S., 1930, Le mot d’esprit et sa relation à l’inconscient, Folio essais, pp. 291 – 293

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