ZEN ET PSYCHANALYSE

Jacques Lacan et le Zen

Extrait d’un texte de Guy Massat

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C’est pourquoi dans le monde il y a des langues différentes.

Allons plus avant pour mieux comprendre le système inconscient. Dans l’inconscient, dans le ça, c’est-à-dire pour la conscience hors d’elle même, pas de principe d’identité. Les choses, les êtres et les mots sont sur le mode de ne pas y être ce qu’ils sont et d’être ce qu’ils ne sont pas. C’est-à-dire que l’arbitraire du A peut arbitrairement ne pas se soumettre à ce qu’il dit, c’est-à-dire à ses propres conventions. Il passe avec les sons et les sens d’un accouplement à l’autre selon sa fantaisie tel une vache volante : C’est le langage du ça, le langage du temps, sans nom et sans loi. Cependant, va montrer Freud — et c’est ce qui est la particularité géniale de la psychanalyse — dans la dimension du système inconscient le moi et le Surmoi bloquent, comme par un nœud de capiton, le ça dans son jaillissement de jouissance créatrice. Ce sont eux, moi et Surmoi, qui forment les nouages des souffrances, des tortures et des guerres du système inconscient : angoisses, dépressions, inhibitions etc. C’est qu’ici « moi et Surmoi » utilisent les principes d’identité, de contradictoire, et de tiers exclu alors qu’ils devraient les annihiler. Cette extinction ne se fera que par la méthode psychanalytique et la cure de l’inconscient. La logique formelle n’est valable que pour la conscience laquelle ne se définit que par elle.

Donc, tout n’est que langage, langage dans la dimension extraordinaire de l’inconscient comme dans celle non moins bizarre du conscient. Ces dimensions utilisent seulement des systèmes de paroles différents. Contrairement à ce que le conscient soutient dans son totalitarisme surmoïque, il y a un savoir, une pensée, des sentiments et des sensations qui échappent à toute saisie rationnelle parce qu’ils voyagent vers l’ailleurs, sur d’autres libertés possibles de langage. Conclusion, distinguer le conscient de l’inconscient, loin d’être une lapalissade pourrait bien être la plus grande affaire de notre vie. Car c’est cette séparation engendrée par la parole, qui scande les différences vitales entre discours inconscient et discours conscient. C’est ce qui décide de la nature des mondes dans lesquels nous tentons de vivre. Chacun étant le contresens de l’autre.

Il se trouve qu’à mal faire cette différence notre vie intime devient compliquée, complexe, insupportable, et la peur envahit tout : riches ou pauvres, ignorants ou savants, honnêtes ou mal honnêtes, religieux ou laïques se vivent secrètement « mal dans leur peau », même – et peut être surtout – quand ils affirment aux autres que tout va bien.

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