ABRACADABRA

Fast-attitude, vogue !..

Voici un extrait d’un texte de Freud à propos de la différence entre l’hypnothérapie et la psychanalyse. Son propos est sans équivoque, cependant je ne lance pas ici une simple « critique » vis-à-vis de nos fast-thérapeutiques mais plutôt une transmission éclairée et avertie puisqu ‘ expérimentée ; je peux aller consulter un hypnothérapeuthe, un confrère cognitivo-comportemental ou faire du lèche-vitrine pour me faire une sorte de bien ou me changer les idées, cela va sans dire et cela a sa fonction. Je veux juste y aller en connaissance de cause. Aussi, par « fast-thérapeutique », au-delà de l’hypnothérapie, il est à retrouver les thérapeutiques dites de consommation, naturellement très en vogue vous l’imaginer bien, comme lesdites TCC et autres recours à la pleine conscience, au chamanisme, au reiki etc. qui tendent à désengager le sujet de sa propre parole l’assénant, sans savoir ce qui se dit, d’être dans le « mental » . Personnellement, je ne crois pas au « mental ». Je crois au corps. Celui qui a le courage de s’engager véritablement * dans l’aventure analytique ne supporte pas longtemps être dénigré dans tous les efforts qu’il fait pour s’extraire de son état de survie permanent, d’une sorte de secte de non-existents conventionnée par les médias et les blablas ambiants des boucheurs de trous et non moins masqueurs de manques de tout bord. Du plein, du plein, toujours du plein. Si le jour ne se définit que de la nuit, le plein ne peut s’entendre que de son manque, à savoir une sorte de vide de soi. Etc.

Et maintenant, la parole est à Sigmund Freud. Nous sommes en 1922. 

La thérapeutique analytique

Vous savez quel est le sujet de notre entretien d’aujourd’hui. Vous m’avez demandé pourquoi nous ne nous servons pas, dans la psychothérapie analytique, de la suggestion directe, dès l’instant où nous reconnaissons que notre influence repose essentiellement sur le transfert, c’est-à-dire sur l’écoute ; et, en présence de ce rôle prédominant assigné à la suggestion, vous avez émis des doutes concernants l’objectivité de nos découvertes psychologiques. Je vous ai promis de vous répondre d’une façon détaillée.

La suggestion directe, c’est la suggestion dirigée contre la manifestation des symptômes, c’est la lutte  entre votre autorité et les raisons de l’état morbide. En recourant à la suggestion, vous ne vous préoccupez pas de ces raisons, vous exigez seulement du malade qu’il cesse de les exprimer en symptômes. Peu importe  alors que vous plongiez le malade dans l’hypnose ou non. Avec sa perspicacité habituelle, Bernheim avait d’ailleurs déjà fait remarquer que la suggestion constitue le fait essentiel de l’hypnotisme, l’hypnose elle-même étant un effet de la suggestion, un état suggéré, et il avait de préférence pratiqué la suggestion à l’état de veille, comme susceptible de donner les mêmes résultats que la suggestion dans l’hypnose.

Or, dans cette question, qu’est-ce-qui vous intéresse le plus : les données de l’expérience ou les considérations théoriques ? Commençons par les premières. J’ai été élève de Bernheim dont j’ai suivi l’enseignement à Nancy en 1899 et dont j’ai traduit en allemand le livre sur la suggestion. J’ai, pendant des années, appliqué le traitement hypnotique, associé d’abord à la suggestion de défense et ensuite à l’exploration du patient selon la méthode de Breuer. J’ai donc une expérience suffisante pour parler des effets du traitement hypnotique ou suggestif. Si, après un vieux dicton médical, une thérapeutique idéale est celle qui agit rapidement, avec certitude et n’est pas désagréable pour la malade, la méthode de Bernhiem remplissait au moins deux de ces conditions. Elle pouvait être appliquée rapidement, beaucoup plus rapidement que la méthode analytique, sans imposer au malade la moindre fatigue, sans lui causer aucun trouble. Pour le médecin, cela devenait à la longue monotone d’avoir recours dans tous les cas aux mêmes procédés, au même cérémonial, pour mettre fin à l’existence de symptômes des plus variés, sans pouvoir se rendre compte de leur signification et de leur importance. C’était un travail de manoeuvre, n’ayant rien de scientifique, rappelant plutôt la magie; l’exorcisme, la prestidigitation ; on n’en exécutait pas moins ce travail, parce qu’il s’agissait de l’intérêt du malade. Mais la troisième condition manquait à cette méthode, qui n’était certaine sous aucun rapport. Applicable aux uns, elle ne l’était pas à d’autres ; elle se montrait très efficace chez les uns, peu efficace chez les autres, sans qu’on sût pourquoi. Mais ce qui était encore plus fâcheux que cette incertitude capricieuse du procédé, c’était l’instabilité de ses effets. On apprenait au bout de quelques temps la récidive de la maladie ou son remplacement par une autre. On pouvait avoir de nouveau recours à l’hypnose, mais des autorités compétentes avaient mis en garde contre le recours fréquent à l’hypnose ; on risquait d’abolir l’indépendance du malade et de créer chez lui l’accoutumance, comme à l’égard d’un narcotique. Mais même dans les cas, rares il est vrai, où l’on réussissait, après quelques efforts, à obtenir un succès complet et durable, on restait dans l’ignorance des conditions de ce résultat favorable. [ … ]

Telles sont les expériences. Elles nous montrent qu’en renonçant à la suggestion directe, nous ne nous privons pas de quelque chose d’indispensable. Permettez-moi maintenant de formuler à ce sujet quelques considérations. L’application de l’hypnothérapeutique et autres fast-thérapeutiques n’impose au malade et au patient qu’un effort insignifiant. Cette thérapeutique s’accorde admirablement avec l’appréciation des névroses qui a encore cours dans la plupart des milieux médicaux. Le médecin dit au nerveux : « Rien ne vous manque, et ce que vous éprouvez n’est que de nature nerveuse et je puis en quelques mots et en quelques minutes supprimer vos troubles. » Mais notre pensée énergétique se refuse d’admettre qu’on puisse par un léger effort mobiliser une grande masse en l’attaquant directement et sans l’aide d’un outillage spécial. Dans la mesure où les conditions sont comparables, l’expérience nous montre que cet artifice ne réussit pas plus dans les névroses que dans la mécanique. Je sais cependant que cet argument n’est pas inattaquable, qu’il y a aussi des « déclenchements ».

Les connaissances que nous avons acquises grâce à la psychanalyse nous permettent de décrire à peu près ainsi les différences qui existent entre la suggestion hypnotique et l’oreille psychanalytique. La thérapeutique hypnotique cherche à recouvrir et à masquer quelque chose dans la vie psychique ; la thérapeutique analytique cherche, au contraire, à le mettre à nu et à l’écarter. La première agit comme un procédé cosmétique, la dernière comme un procédé chirurgical. Celle-là utilise la suggestion pour interdire les symptômes, elle renforce les refoulements, mais laisse inchangés tous les processus qui ont abouti à la formation des symptômes. Au contraire, la thérapeutique analytique, lorsqu’elle se trouve en présence des conflits qui ont engendré les symptômes, cherche à remonter jusqu’à la racine jusqu’à l’issue de ces conflits. La thérapeutique hypnotique laisse le patient inactif et inchangé, par conséquent sans plus de résistance devant une nouvelle cause de troubles morbides. Le traitement analytique impose au médecin et malade des efforts pénibles tendant à surmonter des résistances intérieures. Lorsque ces résistances sont vaincues, la vie psychique du malade se trouve changée d’une façon durable, élevée à un degré de développement supérieur et reste protégée contre toute nouvelle possibilité pathogène. C’est ce travail de lutte contre les résistances qui constitue la tâche essentielle du traitement analytique, et cette tâche incombe au patient [ … ]

FREUD, S., 1922, Introduction à la psychanalyse, PBP, pp. 547 – 551

Véritablement * Ceci fera l’objet d’un papier ultérieur


Le texte de Freud a été très légèrement remanié par mes soins 

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