MOUSTAFA SAFOUAN

Les effets subversifs du langage s’attestent dans notre recours au savoir, là où manque la connaissance qui lie instinctivement l’animal aux objets de son milieu naturel ainsi que dans la précarité du lien qui rattache le sujet parlant à la vie, au regard d’une passion hamlétique de l’être apparemment sans attribut ni frein. La première partie de ce livre propose une théorie de l’Oedipe comme un artifice qui remédie à ce défaut comme à celui de toute essence dont s’autoriserait la définition d’un rapport sexuel. La deuxième partie est une lecture de la tragédie grecque qui reconnaît le patron du théâtre, Dionysos, comme le dieu du désir, et dégage la question éthique qui sous-tend Oedipe Roi concernant le roc originaire – sur lequel le symptôme se forme alors que se brise le savoir dont se prévaut l’ordre politique. La dernière partie, qui traite du dépérissement de la famille au profit de l’Etat séculier au XIXe siècle, laisse entrevoir la fin de la civilisation « oedipienne », au sens de marquée par l’emprise des religions du salut.

« Dans un monde où les individus se réduisent aux consommateurs sans autres moyens que leurs poches ni de guides que leurs goûts, sexuels ou autres, sa Majesté le Bébé lui-même devient de plus en plus un produit, voire une marchandise. […] Une remarque me vient alors à l’esprit, faite par Freud, qui savait quel coût représentait pour l’homme la structuration de son désir dans son lien à la faute. Dans son Malaise dans la civilisation, il nous apprend que l’homme cherche toujours le bonheur mais que rien […] n’indique que ce bonheur lui soit réservé. Cette remarque me paraît juste : le bonheur manquera toujours à l’homme parce que l’homme sera toujours en mal d’identité. Or, le fait est que grâce à ce que Lichtenberg appelle “une ventriloquie transcendante qui fait croire qu’une chose vient du ciel qui a été dite sur terre”, la civilisation œdipienne a réussi à donner aux hommes les religions qui donnent sens à leurs vies. Sa fin, vers laquelle tout indique que nous cheminons, comporte le risque de donner lieu soit au retour du religieux, soit à l’émiettement de la vie sociale… »

Moustapha Safouan a été parmi les premiers à suivre l’enseignement de Lacan, dès ses débuts en 1951. Depuis 1974, date de parution de son premier ouvrage, Études sur l’OEdipe, il a publié de nombreux livres, dont Questions psychanalytiques. Le présent ouvrage est l’exposé des thèses qui se réfèrent à une longue expérience.

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