LE LONG CHEMIN

Extrait du texte de Florence Signon, Lire à la lettre in La clinique lacanienne, Ed° Stilus, 2020

‘Lalangue est cet entendu qui s’est écrit dans le corps. (…)

Un sujet est une effet de langage, voilà ce qu’apprend une psychanalyse lacanienne, il n’y a pas d’autres existence pour lui que celle-là. Cette appréhension poétique du langage telle que Lacan la développe dans ses séminaires de fin est ce qui rend la psychanalyse lacanienne efficiente. Seulement dans la cure lacanienne la cause est langagière, c’est ce qui la spécifie. Elle oppose le collectif du langage à la singularité de la jouissance du sujet, de sa lalangue, de ce que les mots entendus par lui auront fait à son corps. La fonction poétique du langage est enracinée dans lalangue, c’est la grande découverte de Lacan, et cette approche transgresse la pensée commune et donne toute sa vitalité à la psychanalyse qui, s’orientant sur le réel, la jouissance donc le corps, est la seule pratique qui peut donner chance à un sujet de sortir de la répétition, la cure (re)trace le trajet de la lettre, le fait apparaître tel un palimpseste, suivant le long chemin qui va de la passion névrotique pour le manque à la réalisation de la perte qui est le départ. Cette reduplication transférentielle dans la cure, du chemin du signifiant-maître à la lettre, tue la répétition, car la répétition ne survit qu’à être vaine. Elle devient une « répétition simplifiée ».

Etre lacanien est donc l’envers d’une idéologie er relève d’une praxis qui donne corps aux mots. Celui qui entreprend ce travail vivifiant trouvera le passage étroit entre « C’est écrit » qui fait le destin d’un sujet à une « Lettre sans destin » (mais pas sans marque) et d’ouvrir ainsi à ce sujet la possibilité rare du nouveau et de l’invention. Notons que l’invention n’a pas de mémoire. La mémoire a toujours une parenté. D’où Lacan propose de s’apparenter au « Pouâte » plutôt qu’à la parenté. « Être inspiré par le poème c’est ce vers quoi comme psychanalyste nous devons nous tourner » pour enfin entrer dans la finitude, c’est-à-dire dans le temps. 

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