DÉSIR, MON TYRAN

Extraits du livre de Jean-Pierre Winter, Les errants de la chair, Études sur l’hystérie masculine

Et l’Autre, l’Autre dont on se demande ce qu’il veut, et auquel nous répondons, en tant que névrosé, par la construction du fantasme, il se trouve que dans notre vie quotidienne il est incarné par ceux qui nous gouvernent. C’est à dire que l’Autre, ce n’est pas seulement une figure conceptuelle, il s’incarne. De sorte qu’à la question : « Devons-nous ou non satisfaire aux désirs du tyran ? » Nous ne pouvons pas répondre si nous ne nous mettons pas en demeure de cerner ce désir quand l’occasion nous en est donnée. Comment pourrait-on résister à satisfaire le désir du tyran si nous nous interdisons le travail qui consiste à dévoiler ce désir, à le débusquer ? Mais Lacan continue en disant : « C’est la balance éthique à proprement parler, et c’est à ce niveau que, sans faire intervenir aucun dramatisme externe, parce qu’on n’en a pas besoin, tout simplement, nous avons aussi affaire à ce qui, au terme de l’analyse, reste suspendu à l’Autre, avec un grand A. » [ … ] Mais bien sûr, à cerner son désir, on s’expose, en faisant son portrait, à faire comme les peintres qui, quoi que ce soit qu’ils peignent, ne font jamais rien d’autre qu’un autoportrait. C’est dire qu’à faire le portrait du tyran, c’est His majesty the baby qu’on va rencontrer, c’est-à-dire sa propre tyrannie, et notamment ceci, qui est ce à quoi nous ne pouvons échapper : la tyrannie du désir.

SILENCE

Écoutez un peu !, que j’entende quelque chose. 

Freud était un médecin bavard, démonstratif, persuasif. Ce sont des patientes hystériques qui lui ont ordonné de se taire et d’écouter jusqu’au bout ce qu’elles voulaient dire et qu’elles ne savaient pas encore. Ce qu’elles ignoraient, c’est que la sincérité ne suffit pas pour faire vaciller la statue de soi-même que chacun a construite.

PERDRE ?, MOI ?, JAMAIS.

Extrait du texte d’Anne Dufourmantelle, Intelligence du rêve, Manuels Payot, 2012, dans lequel l’auteure interroge aussi les figures symboliques de l’ange, du génie poétique et du daimôn, messagers de la parole comme le rêve l’est de notre plus secrète identité.

Aux abords du trauma

Le rêve construit des scénarios dont nous sommes les héros secrets, nous offrant ainsi, en dépit du danger ou grâce à lui, une royauté reconquise. La jeune adolescente au moment de ses règles devrait comprendre qu’il est temps de se séparer de sa mère, de conquérir un espace propre qu’elle ne devra qu’à son courage, sa détermination, sa confiance en la vie aussi. La mélancolie est parfois, dit J-P Winter*, le signe que nous avons abdiqué et que nous le savons ; elle nous hante de ce savoir que nous aurions dû ou pu combattre, au moins nous révolter, et que nous n’en avons pas eu la force. Elle trahit ce silence secret, c’est pourquoi elle est toujours aussi une colère.

LE GÉNIE DU DÉTAIL

Chaque détail, dans un rêve, figure le rêve entier.

Apparait un petit enfant aux bottines rouges, tu t’étonnes qu’il soit laissé seul. Tu approches ta main pour le toucher. Tu es pieds nus maintenant, la ville s’ouvre sur une rivière sauvage. Il y a un oiseau rouge devant toi qui entre dans l’eau et disparaît à son tour.

Pourquoi rouge ?

J’AI COMMENCÉ LA ROUTE, JE NE LE SAVAIS PAS, AU COEUR D’UN ÉTERNEL DÉSERT

 Celui qui pleure est un magicien, un sorcier.

[ … ] Autant dire que pour la psychanalyse, la loi se forge comme Loi dans le réel ; vient du réel. C’est là, me semble-t-il, qu’il y a une hypothèse vraiment nouvelle : il y a une orientation dans le réel. C’est ça notre nouvelle mythologie, plus que l’oedipe devenu un bavardage trop commode. A partir de cette trouvaille, un gros travail de Lacan aura été d’ancrer la psychanalyse dans ce qu’il a appelé l’au-delà de l’oedipe – soit l’entre-deux-morts dont on ne sort que par la production d’une oeuvre : la « suppléance » qui re-nomme l’auteur.

A B Y S S E S

 

 » Juste sous la surface, il y a un autre monde, et encore d’autres mondes à mesure que l’on creuse. Je le savais quand j’étais enfant, mais je n’en avais pas la preuve. C’était juste un sentiment. Il y a de la bonté dans un ciel bleu et les fleurs, mais une autre force – une douleur sauvage et une décomposition – accompagne également tout. « 

David Lynch, cinéaste du dévoilement du réel et de l’inquiétant dans le familier.

[1946-2025]


Brèves

 

ALORS MOI AUSSI JE DIS NON ?

Pas de Ça, chez nous

Article écrit par Marianne Carabin

Ça parait simple comme bonjour.
Une rencontre comme il y en a mille. Une rencontre comme une autre. Un homme ? Une « femme ». Un bal. Une fête. Un regard. Une danse. Un baiser. Stop. Ça devrait s’arrêter là.
On ne veut plus savoir. Après ça, on ne veut plus savoir.

HORS DE MOI

Embryon 

[ … ] le sentiment du Moi que possède l’adulte n’a pu être tel dès l’origine. Il a dû subir une évolution qu’on ne peut évidemment pas démontrer, mais qui, en revanche, se laisse reconstituer avec une vraisemblance suffisante. Le nourrisson ne différencie pas encore son Moi d’un monde extérieur