DÉSIR, MON TYRAN

 » Mais la tyrannie du désir, c’est ce contre quoi nous allons chercher à nous protéger. Et nous avons pour ce faire des astuces épatantes. C’est fou ce qu’on est capable d’inventer pour se protéger de la tyrannie de notre propre désir ! Et l’une de ces inventions, c’est concrètement, pratiquement, la politique, qui consiste à renvoyer la charge de notre désir, en invoquant le désir d’un autre. C’est bien pour cela qu’il y a tellement peu de gens qui ont envie d’avoir le pouvoir, parce que, pour qu’on puisse s’en plaindre, c’est quand même plus pratique que ce soit l’autre qui l’ait.

Tout ce que j’avance là, à propos de la politique, se passe aussi (et surtout) dans les couples. C’est tellement plus économique de considérer que c’est l’autre qui fait faire certaines choses, … « 

LE SUICIDE, UNE PORTE

La nature a eu un mouvement de pitié ; elle ne nous a pas emprisonnés. Merci pour les désespérés !
Quant aux simples désabusés, qu’ils marchent devant eux l’âme libre et le cœur tranquille. Ils n’ont rien à craindre, puisqu’ils peuvent s’en aller ; puisque derrière eux est toujours cette porte que les dieux rêvés ne peuvent même fermer.

SILENCE

Chacun est libre de tenter l’aventure, personne ne peut y être contraint, et rien ne garantira jamais qu’à s’y essayer le sujet rencontrera ce qu’il est venu chercher.
Mais justement, c’est de cette liberté que peu de gens veulent. J’en veux pour preuve ces demandes de conseils par lesquelles le sujet avoue que cette liberté de dire sans être interrompu lui est insupportable et qu’il lui préfère la servitude volontaire où il s’en remet à un autre qui le soulage de savoir. ( … ) Ainsi, ici reprocher à l’analyste, a priori, son silence, c’est dire la peur d’être libre. Peur bien compréhensible, mais qui sera traitée sans trop de compassion puisque cette liberté n’est rien d’autre que celle de se défaire de ce qui nous encombre et au premier chef de notre goût insatiable pour la dépendance.

PERDRE ?, MOI ?, JAMAIS.

La stratégie de l’ego, c’est de ne jamais perdre. Eviter à tout prix le manque. Saturer le temps et l’espace. Rendre acceptable à la conscience toutes les raisons possibles d’échapper au vide laissé par l’autre quand il a disparu. On s’efforce d’oublier le reste, ce qui nous est difficile, voire contraire. La stratégie, fondée sur l’évitement, nécessite de la ruse. Quand la morsure de la perte réapparaît dans l’existence, à savoir que ce qui a été n’est plus, vient le sentiment d’indignité, de faute. De ce qui en nous a trébuché, n’a pas été à la hauteur. Persécution renouvelée du futur antérieur.

On peut mener le combat bien sûr. On s’y épuisera sans trouver la paix, on y gagnera aussi une intensité chaque fois renouvelée. Aucun « lâcher-prise » ne suffira à trouver la paix.

LE GÉNIE DU DÉTAIL

Chaque détail, dans un rêve, figure le rêve entier. Tout élément qui le compose est à prendre en considération, surtout les fragments qui semblent ne se rapporter au scénario que de très loin. Ce qui apparait être le motif central du rêve n’est pas plus significatif que la couleur d’un « petit pan de mur jaune ». Les échelles de valeurs, d’urgence, de grandeur n’y sont pas respectées. Les informations les plus minimes, les chiffres donnés comme au hasard : tout est important.

GEORGES DEVEREUX, LA RENONCIATION À L’IDENTITÉ

Pourquoi des sujets qui expriment au travers d’un symptôme psychique une douleur morale, un souci d’origine variable, souvent une injustice, un malaise existentiel, une culpabilité ou autre, peuvent-ils croire aux vertus d’une drogue magique qui les libérerait de la nécessité de réfléchir, qui leur enlèverait leur libre-arbitre, qui les réduirait à l’état de corps en souffrance livrés à des médecins détenteurs du pouvoir de leur ôter leurs angoisses comme l’on sectionnerait un appendice enflammé ?
On sait bien que les antidépresseurs et autres drogues légales sont les masques qui éloignent les patients d’eux-mêmes !

Il faut dire qu’à ce jeu, ils ne sont pas seuls. Un grand nombre de médecins trouvent leur compte à disposer par ce biais d’un pouvoir sur leurs patients. Comme disait Lacan, “elles [les professions médicales] assurent en effet un homme de se trouver à l’endroit de son interlocuteur dans une position où la supériorité est garantie à l’avance”.

J’AI COMMENCÉ LA ROUTE, JE NE LE SAVAIS PAS, AU COEUR D’UN ÉTERNEL DÉSERT

Le psychanalyste est alors celui qui prend la main de quelqu’un pour l’accompagner et lui permettre d’apprendre de quoi est fait le rien, le noir, le sans-nom qu’il redoute tant ; peut-être alors est-il comme un chaman ou un Indien, celui qui sait lire dans les choses. Pouvoir faire confiance à quelqu’un qui sait faire ça n’a pas de prix, et ce n’est pas un travail d’apprendre les lois dans les livres, c’est un fruit de l’expérience. Je veux le dire avec force : il faut quand même bien comprendre sur quelle déchirure, sur quelle souffrance, sur quels renoncements repose le moindre concept lacanien.

A B Y S S E S

   » Juste sous la surface, il y a un autre monde, et encore d’autres mondes à mesure que l’on creuse. Je le savais quand j’étais enfant, mais je n’en avais pas la preuve. C’était juste un sentiment. Il y a de la bonté dans un ciel bleu et les fleurs, mais une autre force […]