L’enveloppe sonore
Parallèlement à l’établissement des frontières et des limites du Moi comme interface bidimensionnelle étayée sur les sensations tactiles, se constitue le Soi par introjection de l’univers sonore (et aussi gustatif et olfactif) comme cavité psychique préindividuelle dotée d’une ébauche d’unité et d’identité. Associée, lors de l’émission sonore, aux sensations respiratoires qui lui fournissent une impression de volume qui se vide et se remplit, les sensations auditives préparent le Soi à se structurer en tenant compte de la troisième dimension dans l’espace (l’orientation, la distance) et la dimension temporelle.
La littérature psychanalytique anglo-saxonne a, au cours des dernières décennies, apporté trois dimensions importantes. W.R Bion (1962) a montré que le passage du non-penser au “penser”, ou encore des éléments bêta aux éléments alpha, reposait sur une capacité dont il est nécessaire au développement psychique du nourrisson que celui-ci fasse l’expérience réelle, à savoir la capacité propre au sein maternel de “contenir” dans un espace psychique délimité les sensations, les affects, les traces mnésiques qui font effraction dans son psychisme naissant ; le sein-conteneur arrête la rétropojection agressive-destructrice des morceaux de Soi expulsés et éparpillés et leur apporte des possibilités de figurations, de liaisons et d’introjections. H. Kohut (1971) a cherché à différencier deux mouvements deux mouvements antagonistes, alternatifs et complémentaires, celui par lequel le Soi se constitue en se diffractant dans des objets avec lesquels il réalise des fusions parcellaires-narcissiques (des “Soi-objet”), et celui par lequel le Soi réalise avec un objet idéal une fusion “grandiose”. Enfin, revenant sur le stade du miroir tel que l’a conçu Lacan, où le Moi s’édifie comme autre sur le modèle de l’image spéculaire du corps entier unifié, D.W Winnicott (1971) a décrit une phrase antérieure, celle où le visage de la mère et les réactions de l’entourage fournissent le premier miroir à l’enfant, qui constitue son Soi à partir de ce qui lui est ainsi reflété. Mais, comme Lacan , Winnicott fait porter l’accent sur les signaux visuel. Je voudrais mettre en évidence l’existence, plus précoce encore, d’un miroir sonore, ou d’une peau auditivo-phonique, et sa fonction dans l’acquisition par l’appareil psychique de la capacité de signifier, puis de symboliser. 1
- Cf. G. Rosolato, “La voix”, in Essais sur le symbolique (1969, p.287 – 305)
1974, Anzieu, D., Le Moi-peau, Dunod, 1995, p.184