Correspondance
… A Zweig, Freud confie ce brevet de ressemblance : « Votre style est celui de l’observateur, de celui qui écoute et lutte de manière bienveillante et avec tendresse, afin d’avancer dans la compréhension de l’inquiétante immensité. »
De son côté, Zweig sera l’un des rares écrivains viennois, le seul peut-être, à discerner d’emblée le génie de Freud, à la proclamer et à la situer dans la lignée des Proust, Joyce et Lawrence. « J’appartiens, lui écrit-il, à cette génération d’esprits qui n’est redevable presque à personne autant qu’à vous en matière de connaissance. »
Au début du siècle, porter un jugement sur Freud n’était pas chose aisée : il n’était pas un écrivain, et pourtant il en avait tous les dons ; il n’était pas un scientifique, et pourtant il n’aurait renoncé pour rien au monde à son identité médicale ; il n’était pas un universitaire, et pourtant il était prêt à mendier la considération des Herren Professoren qu’il méprisait par ailleurs ; il n’était pas un philosophe, et pourtant il n’était pas concevable d’ignorer sa pensée. Il explorait un continent nouveau, l’inconscient, avec l’âme d’un aventurier, d’un « conquistador », et on prétendait le juger selon des critères traditionnels.
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