LE CORPS N’EN FAIT QU’À SA TÊTE – 24 NOVEMBRE 2018 – NÎMES

24 Novembre 2018 de 9h30 à 17h00

Colloque annuel de l’association de la Cause freudienne

Auditorium du lycée Saint-Vincent de Paul, 3 Bd de Bruxelles, Nîmes

 

A la rencontre de cet inconnu : le corps

Argument : N’en déplaise à ses détracteurs comme à nos défenses névrotiques, la psychanalyse lacanienne n’est pas une pratique « d’intellectuels ». La question du corps y est centrale. On vient en analyse avec son corps, un corps que l’angoisse tétanise, aux prises avec une douleur inouïe, absurde. Et si ce sont pures pensées qui semblent tyranniser le sujet, le corps est aussi de la partie sur le mode d’un refus. A l’envers l’opposé de toutes promesses de maîtrise : « Je fais ce que je veux de/avec mon corps», l’expérience montre que celui-ci semble vouloir n’en faire qu’à sa tête ! L’accompagnement de sujets en grande difficulté, dont les corps s’agitent à l’excès ou que la violence déborde, confrontent au fait que nos diIT QU’À SA TÊTEscours semblent sonner dans le vide. Les bonnes résolutions, « pensées positives » et autres tentatives de suggestions sont d’un pouvoir très limité sur la souffrance rebelle et dont la « véritable » cause nous échappe…

Pourtant on ne cesse de clamer que les mots ont un pouvoir sur le corps !

Alors comment la psychanalyse opère-t-elle ?

Nombre de ceux qui se réclament de la psychanalyse en sont restés au corps décerné par le « Stade du miroir » et insistent sur le caractère unifiant de l’image alors que d’emblée Lacan pointera «… la division entre le sujet et son image… » Son enseignement sera en grande partie dévolu à élucider l’énigme du nouage du symbolique, c’est-à-dire du langage, et du corps. La psychanalyse lacanienne met en évidence ce temps premier d’avant l’image, de la « percussion » du langage sur le corps. Cette percussion produit une coupure qui est à l’origine du sujet en même temps qu’elle l’exile à tout jamais d’un rapport mythique harmonieux au corps. Comme le rappelle Eric Laurent dans son livre « L’envers de la biopolitique », Freud lui-même soulignait « l’importance du narcissisme et les pièges, à l’occasion mortels, de la forme du corps qui font d’autant plus négliger les processus pulsionnels déterminant la jouissance. » La psychanalyse nous donne donc des clés pour entendre la montée au zénith de l’image du corps dans une société toujours plus encline à vouloir identifier l’être parlant à l’organisme, creusant ainsi le sillon de son malaise dans le même temps où elle tente de le traiter. En vain ! Les grandes crises hystériques, monstrations du traitement signifiant de ce morcellement premier, se font de plus en plus rares, mais les symptômes de conversions insistent et l’art contemporain témoigne, par la désarticulation des corps et l’attaque de la surface de l’image, de la quête éperdue du sujet d’une prise où loger ce désordre intime. Le phénomène de masse du piercing et du tatouage, comme formes sublimées du recours aux scarifications et mutilations, peut s’entendre comme tentative de fixer ces éprouvés. Mais rien n’y fait et ce traitement momentané échoue à apaiser un désordre intérieur qui ne cesse de sourdre de son écho…

Cette discordance ressentie dans son rapport à l’être, et dont chacun ne veut rien savoir, est aussi ce qui nous détermine. C’est de là que s’origine le point d’ombilic du symptôme, point de fixation qui résulte de la rencontre matérielle d’un signifiant et du corps : mémorial de jouissance qui se réitère et que le sujet, à son insu, tente de traiter sa vie durant, parfois sur un mode ravageant…, à moins de s’adresser à un analyste.

A l’envers de la promesse faite par de nombreuses techniques de « se mettre au diapason du corps », nous pouvons nous inspirer des paroles de Jacqueline Dhéret et dire que la psychanalyse vise à «… rendre lisible le corps visible. » Elle accompagne chacun sur le trajet qui le conduira à découvrir «… la jouissance que le corps, cet inconnu, procure. » afin de lui permettre de trouver « Une nouvelle alliance de l’inconscient avec le corps parlant. »

Nous verrons, avec nos invités, en quoi l’enjeu d’une clinique orientée par la psychanalyse est de convoquer le symptôme alors que la tendance est d’en éradiquer la substance, l’existence. Car le symptôme, au même titre que le corps vivant, est insupportable au regard de notre désir de maîtrise.

Ce colloque sera l’occasion de déplier combien l’enseignement de Lacan, à l’instar d’une cure analytique, n’a eu de cesse de reconsidérer la question du rapport au corps, jusqu’à pouvoir opérer ce renversement qui du symptôme opère le passage au « sinthome ». Moment de bascule où « Le symptôme apparaît alors pour ce qu’il est, non pas un dysfonctionnement à éradiquer, à normaliser – ce qui ne veut pas dire que nombre de symptômes qui font souffrir n’aient pas été levés grâce à l’analyse ! – mais un fonctionnement, mieux même une solution… »

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