
Jacques Lacan et le Zen
Extrait d’un texte de Guy Massat
( … )
C’est pourquoi dans le monde il y a des langues différentes.
L’inconscient, à partir de Freud, est une chaîne de signifiants qui quelque part (sur une autre scène, écrit-il) se répète et insiste pour interférer dans les coupures que lui offre le discours effectif et la cogitation qu’il informe.
Nous avons quelque mal à faire entendre dans un milieu infatué du plus incroyable illogisme ce que comporte d’interroger l’inconscient comme nous le faisons, c’est-à-dire jusque’à ce qu’il donne une réponse qui ne soit pas de l’ordre du ravissement, ou de la mise au sol, mais plutôt qu’ « il dise pourquoi ».
Si nous conduisons le sujet quelque part, c’est à un déchiffrement qui suppose déjà dans l’inconscient cette sorte de logique : où se reconnaît par exemple une voix interrogative, voire le cheminement d’une argumentation.
Toute la tradition psychanalytique est là pour soutenir que la nôtre ne saurait y intervenir qu’à y entrer au bon endroit, et qu’à anticiper sur elle, elle n’en obtient que la fermeture.
En d’autres termes, la psychanalyse qui se soutient de son allégeance freudienne, ne saurait en aucun cas se donner pour un rite de passage à une expérience archétypique ou d’aucune façon ineffable : le jour où quelqu’un y fera entendre quelque chose de cet ordre qui ne sera pas un minus, ce serait que toute limite y aurait été abolie. Ce dont nous sommes encore loin1.
Ceci n’est qu’approche de notre sujet. Car il s’agit de serrer de plus près ce que Freud en sa doctrine lui-même articule de constituer un pas « copernicien ».
1 Même à tenter d’intéresser sous la rubrique des phénomènes Psi à la télépathie, voire toute la psychologie gothique qui puisse se ressusciter d’un Myers, le plus vulgaire batteur d’estrade ne pourra franchir le champ où Freud l’a contenu d’avance, à poser ce qu’il retient de ces phénomènes comme devant être au sens stricte : traduit dans les effets de recoupement de discours contemporains.
La théorie psychanalytique, même à se prostituer, reste bégueule (trait bien connu du bordel). Comme on dit depuis Sartre, c’est une respectueuse : elle ne fera pas le trottoir de n’importe quel côté (note de 1966).
*Selbstbewusstsein, l’être de soi conscient, tout-conscient.
Plût au ciel qu’il en fût ainsi, mais l’histoire de la science elle-même, nous entendons de la nôtre et depuis qu’elle est née, si nous plaçons sa première naissance dans les mathématiques grecques, se présente plutôt en détours qui satisferont fort peu à cet immanentisme, (…)
1960, LACAN, J., Chapitre VII, Subversion du sujet et dialectique du désir in Les Écrits II, Seuil, Points, 1999, p. 275
Le repérage de cette féminité de la mère n’est pas sans causer une difficulté à l’enfant, mais elle est structurale et structurante.Le Nom-du-Père ne suffit pas à résorber toute la jouissance de la femme qui est sa mère, ce qui conduit chaque enfant à devoir construire sa réponse singulière. C’est la thèse de ce livre
Rappelons que c’est dans l’épreuve du désir de l’Autre que se constitue le sujet : « Si le désir de la mère est le phallus, l’enfant veut être le phallus pour la satisfaire [ … ] » mais « [ …] ce qu’il a ne vaut pas mieux que ce qu’il n’a pas [ … ] ». Alors, face à quoi se trouve-t-il ?
» Vous vous imaginez que la pensée, ça se tient dans la cervelle. Je ne vois pas pourquoi je vous en dissuaderais. » (Aujourd’hui, en 2020, on entend partout « C’est dans le mental ». Voyez le topo. La belle manière de ne rien y voir entendre. )
– extrait –
L’inouï, c’est que ça ait pris du sens – et pris du sens, rangé comme ça. Dans les deux cas, c’est à cause moi, de ce que j’appelle le vent – dont je sens que je ne peux même plus le prévoir -, le vent dont on gonfle ses voiles notre époque.
Il est évident que ça ne manque pas de sens au départ. C’est en cela que consiste la pensée
J’étais parti de cette distinction par Lacan de deux pas chez Freux.
Que fait on de la demande en psychanalyse ? selon Lacan. A cette question, je répondrais « un pousse au dire », à savoir permettre la passe des dits de la demande au dire.
En inventant le règle fondamentale dite de l’association libre comme seule méthode pour la psychanalyse, Freud faisait l’hypothèse qu’en suivant l’enchainement des dits du patient, on allait pouvoir s’approcher de ce qu’il appelait alors « le noyau pathogène inconscient du sujet. »
Avec cette invitation à perdre le fil de sa pensée pour suivre les inattendus qui en émergent, Freud avait fait le pari que la succession des associations libres de ses patients n’avait rien de libre mais qu’au contraire elle s’orientait sur l’attractivité de ce noyau pathogène à la fois source de résistances et, à la fois, dans le même mouvement, appel à dire. Résistances d’une jouissance ignorée, aimantant la parole du patient et appel à dire venu de cet insondable qui se tient au coeur, dans cet espace, dans cet écart entre les dits qui toujours se caractérisent de leur insuffisance à dire la vérité dans ces tours du dit qui se succèdent.
[ … ] Un pas de plus : l’objet a c’est ce qui manque, et tout ce qui ne manque pas, pour cause de discours, cherche à faire oublier. Dans le discours commun, dit discours du maître où le S1 ordonne la réalité aussi bien psychique que commune, le sujet est un sujet complété qui ne pense pas son manque, car le discours s’emploie au comblement de la béance. Sans cette opération de comblement, on ne comprendrait pas que l’universel de la castration ait pu être méconnu si massivement jusqu’à la psychanalyse. Et pas non plus que certains auteurs contemporains, pas plus bêtes que d’autres, brocardent le manque et tout au contraire croient être modernes en soutenant que désormais nous sommes dans ce qu’un film appelle The Land of plenty. Voyez un Sloterdijk et quelques autres dans la psychanalyse.
Hormis quelques appareils digestifs exceptionnels, elle ne produit que de la culture, un discours sur un discours, à l’infini, qui se déploie dans les limites sans surprises du registres de la loi : la nier, la combattre ou la subir, dans tous les cas, c’est encore la reconnaître. Hegel, dont Sartre s’est largement inspiré, l’avait admis lui-même avec humilité en constatant que depuis vingt-quatre siècles les gains de la philosophie se bornaient à « des notes en index de Platon ».
Un index relève de la culture. Et la culture est continuité.
La création, son contraire, est rupture.