LA SORTIE DES ARTISTES au LUCERNAIRE
Article écrit par Marianne Carabin
21h30, à l’issue de la représentation du Vendredi 27 Février 2015, que vous ayez vu ou non la pièce, Zazie dans le métro nous fait rencontrer ses artistes au théâtre du Lucernaire. L’entrée est donc… LIBRE.
• Du 28 janvier au 02 mai 2015
dans la salle du théâtre rouge du Lucernaire (M° Montparnasse)
Zazie dans le métro, d’après le roman de Raymond Queneau de 1959, mise en scène par Sarah Mesguich. Avec, en alternance dans le rôle de Zazie Joëlle Luthi et Léopoldine Serre, Jacques Courtès (Gabriel), Charlotte Popon et Amélie Saimpont en alternance pour les rôles de la mère, Mado, Marceline et la Veuve Mouaque, pour le rôle de Charles ce sont Tristant Willmott et Alexis Consolato qui partagent la scène, Alexandre Levasseur (Le type et le flic) et Frédéric Souterelle (Turandot). Assistante à la mise en scèhne Charlotte Popon, Conception vidéo et musique originale Arnaud Laurens, Scénographie Camille Ansquer, Costumes Alice Touvet, Création lumière Damien Valade, Son Yann Galerne.
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Dans l’inquiétante étrangeté du familier quotidien, passant de l’espièglerie de l’enfance à la fière désinvolture de l’adolescence, les 12 ans de Zazie, à l’instar d’une jeune Alice Carrollienne, nous mènent par le bout du nez dans les espaces sociaux interdits des inséparables sœurs de la Raison et de la Moralité. Zazie, « passeuse de frontière » selon le mot de Sarah Mesguich, est pourtant ici plus délurée, plus mutine, plus vive, que la candide Alice. L’impérieuse lucidité naïve d’un temps où l’on peut encore se faufiler entre les vastes, mais non pas moins exigües, étendues sociales d’une part, et les imbroglios ou autres paradoxes des incommensurables lieux de l’inconscient d’autre part, nous appelle de plein fouet là où l’habit des années ignore que la carcasse de nos jours de jeunesse reste à jamais avertie. Avertie, c’est-à-dire en alerte, en réactivité là où ça se dresse. Là où l’oreille se tend. La pupille se contracte et affine la focale. Là où le poil se met en activité. Absorber toutes les informations qui nous mettent en dynamique. En d’autres mots, des mots souvent dits, mil fois répétés, inlassablement écrits et qui, à nouveau, se soulignent ici : c’est l’enfant en nous – comme le dirait Ferenczi, enfant rebelle de la psychanalyse – qui est directement interpelé.
A travers le mouvement de grève des transports en commun, lequel ferme les portes du rêve de la fillette. Non, de la petite fille. De la jeune fille ? Non. Bon, de la ni petite, ni si jeune, ni fille, ni fillette, ni femme encore… c’est au travers les portes fermées du rêve de Zazie, celui de découvrir le métro parisien, que celles, les portes, d’une réalité tout en paradoxes moraux et autres immoralités paradoxales, d’une humanité où la puissance de la sublimation face au pathétique, s’ouvrent comme un Sésame pour tout à la fois nous attendrir et nous poil-à-graterifier. Voir ce que nous ne voulons pas voir. Entendre ce que nous ne voulons pas entendre. Voilà où la fille Mesguich et Queneau nous embarquent, comme si de rien était ? « Mon cul ! » nous dit Zazie. Personne n’est dupe. Ni le bienveillant oncle paternaliste, ni le flic-satyre, ni la veuve-affamée, ni Charles le beau-résigné.
Queneau, Zazie, Mesguich-fille, interrogent certaines insupportables quotidiennetés qui passent toutes pour être, serait-ce le comble de l’horreur ?, des banalités. Passant par des questions comme celles de l’inceste, de la pédophilie, du meurtre, de la soumission, de la résignation, comme celles aussi de la place de la justice ou de l’état policier, interrogeant par ailleurs le bricolage avec lequel chacun fait, pour survivre, à partir des trouvailles de la vie, Sarah Mesguich, Queneau et Zazie, par touches fines, précises mais non moins appuyées, mettent sur le devant de la scène des fondamentaux intimes et sociaux du comment vivre-ensemble-chacun avec toutes ces hypocrisies, que l’on nomment communément mensonges-névrotiques dans la veine psychanalytique, comment, avec toutes ces hypocrisies , toujours mortifères, souvent nécessaires, parfois salutaires, bricolons-nous chacun et tous pour vivre-ensemble ?
C’est enfin à travers le fameux personnage du perroquet que Queneau nous rappelle la compulsion de répétition et la jouissance du parlêtre via le délicieux litanique : « Tu causes. Tu causes. C’est tout ce que tu sais faire ! »