Tous les matins à onze heures c’est une grand joie pour moi.
Roland Barthes 1915 – 1980
Figure essentielle de la scène intellectuelle des années 60/70, Roland Barthes aujourd’hui continue d’être lu et traduit dans le monde entier. Ces textes nous font entendre ce que le langage contient d’inexploré. Le langage c’est-à-dire nous-mêmes. Ce dont nous sommes constitués.
« Je crois profondément à une espèce de hiatus, absolument vertigineux et démoniaque presque, entre le sujet qui parle d’une part et d’autre part le sujet qui écrit. Je ressens toujours d’une façon poignante que souvent j’écris pour être aimé et en même temps je sais très bien que cela ne se produit jamais. »
« Ma situation est un peu difficile à repérer. Je ne suis pas un philosophe. Je ne suis pas un penseur. Je ne suis pas tout à fait non plus tout à fait un écrivain comme on l’entendait il y a cinquante ans. Je vais de la pensée à la phrase et réciproquement. »
« En fait, l’écriture c’est très autarcique, l’écriture. Combien de fois j’ai remarqué dans ma vie qu’un certain niveau de mon moi, de mon sujet, était soumis à des tourmentes passionnelles, par exemple, de la plus grande vivacité, enfin du plus grand trouble. Et ensuite, quand je regarde les dates, je me rappelle soit avec stupéfaction que imperturbablement pendant cette période-là, j’ai écrit Les Mythologies. Mois après mois. »
Dans la France des années 50, le décryptage des signes à l’oeuvre dans Les Mythologies a un extraordinaire impact. Cette entreprise de distanciation et de critique idéologique n’a rien perdu de son actualité. Le discours qui transforme nos objets en mythe reste identique. Seuls les objets changent.
« La nouvelle Citroën, en tout cas quand elle est apparue, la DS 19, a vraiment fonctionné comme alors aussi un objet magique, luisant, sans jointure, avec beaucoup de vitres. Une sorte d’objet tombé du ciel. Je crois en effet que maintenant, une automobile, surtout une automobile nationale, appartenant à une marque nationale, est vraiment à la fois le produit d’un travail collectif anonyme d’ouvriers, d’ingénieurs et en même temps rencontre une très grande consommation collective, exactement comme les grands édifices religieux du moyen âge. »
6’45
« Si on se sent soi-même être un sujet aimant, visant à s’épanouir dans l’amicalité et dans la tendresse, par rapport à cela l’écriture est une activité terriblement sèche, violente et insupportable. Frisant tout le temps l’arrogance. L’assertion dogmatique. »
8’10
Sa diction est lente. Ses déplacements d’un système intellectuel à un autre sont rapides. Mais en chacune de ses périodes, quelque soit le livre, revient la haine du stéréotype. Des fausses évidences.
« J’ai fait beaucoup de musique quand j’étais adolescent et je déchiffre. J’adore déchiffrer de la musique. »
« Tous les matins à onze heures c’est une grand joie pour moi. Je prends une tasse de café. Je me fais mon café, le café de l’intellectuel, et je fume un cigare. »
« Si je devais chercher comment je projette le trait principal de mon caractère je serais extrêmement embarrassé. Je pense que je le situerais plutôt du côté, j’allais dire d’une grande exigence, mais je traduis tout de suite exigence par angoisse, de délicatesse. C’est-à-dire la peur de la blessure et, la soif du comblement. »
« Personnellement, je crois que les règles horaires sont plutôt un facteur de plaisir plutôt qu’un facteur de contraintes. Alors effectivement, j’ai une chambre qui est petite mais chaque lieu de cette chambre a une fonction bien définie et c’est ça qui m’aide à vivre. Effectivement, j’ai le coin où je peins, le coin où j’écris, le coin où je fais du piano et le coin où je dors. Et le reste de la vie, plus matérielle, comme l’alimentation, se fait dans l’appartement qui est en dessous. »
« Je raisonne d’abord en termes moraux. Bon. C’est vrai. En termes de solidarité. Je suis venu d’un horizon intellectuel où on mettait l’accent sur la responsabilité avant de mettre l’accent sur l’engagement proprement politique. »
Retranscriptions choisies du documentaire ci-dessous