‘ La culture, c’est la mémoire de l’intelligence des autres.
Hormis quelques appareils digestifs exceptionnels, elle ne produit que de la culture, un discours sur un discours, à l’infini, qui se déploie dans les limites sans surprises du registres de la loi : la nier, la combattre ou la subir, dans tous les cas, c’est encore la reconnaître. Hegel, dont Sartre s’est largement inspiré, l’avait admis lui-même avec humilité en constatant que depuis vingt-quatre siècles les gains de la philosophie se bornaient à « des notes en index de Platon ».
Un index relève de la culture. Et la culture est continuité.
La création, son contraire, est rupture.
Au hasard de l’imprévisible dynamique de son émergence, elle sécrète sa propre loi sur les décombres du système qui la précède comme le démontre le monotone parricide de l’histoire de la pensée. C’est pour cela qu’elle est maudite, comme furent maudits tous les grands créateurs.
Sartre est-il maudit ?
A propos des trois moments de la dialectique hégélienne, les mots de Lévi-Strauss me résonnent encore à l’oreille : « Le jour où j’ai compris que thèse, anti-thèse et synthèse étaient le fondement de l’Université, j’ai quitté l’université. »
Sartre en était il sorti ?
C’est alors que je vis les baleines. ‘
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Pierre Rey, Une saison chez Lacan
A trente ans à peine, Pierre Rey a toutes les apparences d’un jeune homme heureux, il fait partie de ceux qui ont « réussi ». Chroniqueur dans un quotidien, joueur invétéré vivant très au-dessus de ses moyens, il mène une vie mondaine et frivole dont le plaisir est l’unique objet. Pourtant, ses angoisses se multiplient, sa peur d’affronter le vide grandit.
Alors, il décide de faire table rase du présent, quitte travail et amis, et gravit les marches de pierre usées du 5 rue de Lille qui conduisent chez Lacan. Et c’est là, pendant dix ans, qu’il effectuera sur le divan du célèbre analyste le plus long des voyages.