Cette fausse amie la conscience
Freud dans le domaine psychique (et cette idée domine toute sa méthode) n’admet jamais qu’une chose soit due au simple hasard ou dénuée de sens. Pour lui tout évènement psychique a un sens précis, toute action a son acteur ; et comme, dans ces actes manqués, le conscient n’agit pas, mais se trouve supplanté, quelle peut-être cette force qui le supplante sinon, l’inconscient, cherché depuis si longtemps et si vainement ? L’acte manqué, pour Freud, ne signifie donc pas étourderie, absence de pensée, mais au contraire triomphe d’une pensée refoulée. Par ces lapsus s’exprime « quelque chose » que notre volonté consciente voulait réduire au silence. Et ce « quelque chose » parle la langue inconnue, qu’il faut d’abord apprendre, de l’inconscient.
Ainsi s’éclaire un principe : premièrement, tout acte manqué, toute action résultant apparemment d’une « erreur », exprime un vouloir caché. Deuxièmement, dans la sphère consciente il doit y avoir une résistance active contre la manifestation de l’inconscient. (…)
L’acte manqué trahit son attitude véritable, il divulgue à sa propre épouvante son secret désir de voir abaisser plutôt qu’exalter la découverte de son collègue. On dit en se trompant ce qu’en effet on ne voulait pas dire, mais ce qu’en réalité on avait pensé. On oublie ce qu’intérieurement on voulait vraiment oublier. Presque toujours l’acte manqué est un aveu et une auto-trahison.
Stefan Zweig, Sigmund Freud, La guérison par l’esprit