
Extraits du livre de Jean-Pierre Winter, Les errants de la chair, Études sur l’hystérie masculine
Et l’Autre, l’Autre dont on se demande ce qu’il veut, et auquel nous répondons, en tant que névrosé, par la construction du fantasme, il se trouve que dans notre vie quotidienne il est incarné par ceux qui nous gouvernent. C’est à dire que l’Autre, ce n’est pas seulement une figure conceptuelle, il s’incarne. De sorte qu’à la question : « Devons-nous ou non satisfaire aux désirs du tyran ? » Nous ne pouvons pas répondre si nous ne nous mettons pas en demeure de cerner ce désir quand l’occasion nous en est donnée. Comment pourrait-on résister à satisfaire le désir du tyran si nous nous interdisons le travail qui consiste à dévoiler ce désir, à le débusquer ? Mais Lacan continue en disant : « C’est la balance éthique à proprement parler, et c’est à ce niveau que, sans faire intervenir aucun dramatisme externe, parce qu’on n’en a pas besoin, tout simplement, nous avons aussi affaire à ce qui, au terme de l’analyse, reste suspendu à l’Autre, avec un grand A. » [ … ] Mais bien sûr, à cerner son désir, on s’expose, en faisant son portrait, à faire comme les peintres qui, quoi que ce soit qu’ils peignent, ne font jamais rien d’autre qu’un autoportrait. C’est dire qu’à faire le portrait du tyran, c’est His majesty the baby qu’on va rencontrer, c’est-à-dire sa propre tyrannie, et notamment ceci, qui est ce à quoi nous ne pouvons échapper : la tyrannie du désir.