PAS UN MOT !

Tu parles d’un idéal 

Pour obéir à la voix de la conscience ou aux voix hallucinées, pour obéir à la voix du surmoi, il faut qu’elles disent quelque mot. Si le surmoi « en son ultime impératif est [ … ] une voix d’abord, et bien vocale, et sans plus d’autorité que d’être la grosse voix », si cette voix renvoie au sujet sa propre rumeur ou bruits de mouettes, n’en doit pas moins énoncer les commandements qu’elle transmet. Or le surmoi sur lequel elle s’appuie est le représentant des pulsions auxquelles il s’agit, pour se civiliser, de renoncer ; ce surmoi est représentants du ça, d’un ça qui ne peut rien dire et ne fait que jouir ; donc il dit ce que ne peut pas dire le ça, mais sous une forme inversée, celle de la punition et du sentiment de culpabilité. Comment renoncer aux pulsions si ce qui exige d’y renoncer est précisément ce qui s’y enracine ? Car connaître les commandements de la parole ne voile pas l’ « oppression insensés du surmoi  » qui  » reste à la racine des impératifs motivés de la conscience morale « . Au contraire, ces commandements sont suspendus, sinon rejetés par l’impératif ; l’intériorisation de la loi n’a rien à voir avec la Loi. Vouloir le bien du sujet ne fait qu’augmenter le poids de cette oppression du surmoi ; l’instance parentale est devenue altérité sonorisée, la voix ayant transposé la réalité parentale en réalité psychique

L’OUÏ ET LA PROFERATION

S’il s’exprime avant tout comme voix, le surmoi témoin de moralité, le surmoi qui a la tête dans les étoiles mais les pieds dans la boue de la pulsion, le surmoi qui est le représentant de l’instance parentale et héritier du complexe d’Oedipe, le surmoi se manifeste avec des mots ouïs. Le surmoi parental s’est constitué comme voix parce qu’à l’origine ça parlait de lui (l’enfant) chez les parents, et bien avant ça ça parlait des parents chez les grand-parents ; mais la voix du surmoi qui s’identifie à son ouï est aussi l’ouï d’un énoncé qui s’entend sans avoir de sens. Les exclamations joyeuses des oiseaux à Schreber « sacré lascar ! » utilisent le reste disponible de mots humains ; or le surmoi est un ancien entendu transmis comme du pur entendu, du son sans sens. C’est de l’ouï, qui appelle l’obéi. Ouïr c’est obéir.

( … )

Rabinovitch, S., Les voix, Erès, 1999, p.62

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