Un coup de ton doigt sur le tambour décharge tous les sens et commence la nouvelle harmonie.
Un pas de toi, c’est la levée de nouveaux hommes et l’heure en marche.
Ta tête se détourne : le nouvel amour !
Se retourne : le nouvel amour !
A une raison, Arthur Rimbaud
Comme la poésie, et proche de l’humour, la parole de l’analyste est un acte. Il n’y a pas de retour arrière et il n’y a pas à s’expliquer à son propos, sous peine de la détruire et de rester empêtré au coeur de la parole vide de nos indéfectibles fuites en avant. La souffrance et la répétition permettent son accès car ils sont déjà une tentative de sortir peut-être de notre camaraderie au symptôme, de notre aveuglement et autre surdité quant à nos gestes inadaptés, ou compulsifs, avec lesquels on peut se confondre jusqu’à ce que l’on appelle quelque fois notre identité.
Vérité et poésie
« La poésie ne rythme plus l’action ; elle sera en avant ! » Lettre du 15 mai 1871 de notre poète au tambour.
La psychanalyse est la possibilité offerte à quiconque de libérer une parole gelée dans le symptôme, et de laisser faire ce travailleur assidu qu’est l’inconscient freudien, qui parle en ses formations. Elle est un nouveau poumon, un lieu de respiration de la parole poïétique oubliée et perdue chez l’homme moderne. Ceci doublement.
- La parole n’est pas un organe en vue d’une communication de savoirs, un outil au service d’une transmission d’informations. Mais elle est la maison de la vérité, une dit-mention : « moi, la vérité, je parle. », disait Lacan la laissant parler à Vienne en 1955 ; car elle n’existe pas autrement qu’en parlant. Sa demeure est l’opinion (la doxa), soit tout ce qui se dit en son actualité et est reconnu socialement, au moins par quelques-uns. Son royaume est de l’ordre de l’on-dit-que…, des « histoires » et des points : nous sommes tous des concierges, n’en déplaise aux doctes éducateurs ou aux missionnaires militants.
- « Elle ne rythme plus l’action. » : elle n’est pas une théorie qui surplombe et éclaire l’action, une lumière à contempler, puis à appliquer dans la pratique. Elle est « en avant », parce qu’elle engendre elle-même un chemin, sans que le Je sache ce qu’il dit ni qui le dit. Elle court devant et le Je ne peut être à sa hauteur : il n’y a pas de métalangage.
Extrait, revisité par mes soins, Philippe Julien, Pour lire Jacques Lacan