ULTIMA VERBA

S’il devait n’en rester qu’un… *

J’essaie en tout cas, solitaire ou non, de faire mon métier, et si je le trouve parfois dur, c’est qu’il s’exerce principalement dans l’assez affreuse société intellectuelle où nous vivons. Où l’on se fait un point d’honneur à la déloyauté. Où le reflex a remplacé la reflexion. Où l’on pense à coup de slogan et où la méchanceté essaie trop souvent de se faire passer pour l’intelligence.

Je ne suis pas de ces amants de la liberté qui veulent la parer de chaînes redoublées, ni de ces serviteurs de la justice qui pensent que l’on ne sert bien la justice qu’en vouant plusieurs générations à l’injustice. Je vis comme je peux dans un pays malheureux, riche de son peuple et de sa jeunesse, provisoirement pauvre dans ses élites. Lancé à la recherche d’un ordre et d’une renaissance à laquelle je crois. Sans liberté vraie et sans un certain honneur, je ne puis vivre. Voilà l’idée que je me fais de mon métier.

Albert CAMUS le 22 janvier 1958 ~ Testament politique


Ultima Verba *, Victor Hugo

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