IL N’Y A PAS DE SENS EN SOI

Le désir,

contraint de se faire parole dans le moule de la demande, est donc captif du procès du langage. Cependant, en raison de son antériorité logique sur la séquence du discours qui le fait advenir, c’est tout le langage lui-même qui reste pris dans les rets des déterminations inconscientes du désir.

SENS ET VÉRITÉ

dire vrai, cela signifie surtout que le sujet répond par ceci, qu’au fond il ou elle savait : ‘Je savais que ma révolte n’était pas sans couvrir une certaine complicité avec la légende familiale.’ Ou encore : ‘Je savais que cet enfant qui n’a pas vu le jour était voué au sacrifice.’ Bref, c’est au moment où le sujet dit ‘je mentais’ que nous sommes sûrs qu’il parle comme responsable, responsable de la vérité à laquelle répond maintenant son dire. En effet, ‘je mentais’ est la signification exacte de ce ‘je savais’. Car il s’agit bel et bien d’une vérité que le sujet trouve dans son analyse, seulement c’est le sort de tout ce qui se trouve que d’être rejeté en arrière comme ayant été toujours là. [ … ]

VOUS AVEZ DIT SUJET ?

(…) ce qu’on raconte au patient, mais il n’en a rien à faire ; c’est comme de l’eau sur les plumes d’un canard. Qu’est-ce qu’il s’agit de toucher ? Il s’agit du fait que le symptôme est dialogue avec, disons, un Autre. Vous pouvez y allez à coups de boulets pour essayer de contraindre, en appuyant comme vous pouvez pour que ça rentre bien dans la case ; donner une explication qui rendra la personne, à votre avis, plus heureuse. C’est une façon de faire ; je ne pense pas que ce soit la guérison au sens analytique du terme. (…)

CE QUE JE DÉSIRE ?

vous signifiez par le désir que nous ne nous contentons pas de la référence opaque à un automatisme de répétition que nous avons parfaitement identifié, il s’agit de la recherche nécessaire et condamnée d’une fois unique qualifiée, épinglée comme telle par ce trait lunaire, celui-là même qui ne peut se répéter sinon toujours à être autre.

TIC TAC TIC TAC TIC

On ne rêve pas seulement quand on dort.

… ‘ qu’il puisse y avoir un dire sans qu’on sache qui le dit voilà à quoi la pensée se dérobe. C’est une résistance ontique. C’est ce qui fait tiquer tous les adversaires de la psychanalyse. Et c’est ce qui fait tiquer le patient, névrosé du moins, qui tient tellement à être maître de ce qu’il dit.’

La méprise du sujet supposé savoir, Lacan, J., prononcé à l’Institut français de Naples le 14 décembre 1967 fut publié dans Scilicet, n°1, pp. 31 – 41

TO BE IN READINESS

Je ne crois plus à ma neurotica, ce qui ne saurait être compris sans explication ; tu avais toi-même trouvé plausible ce que je t’avais dit. Je vais donc commencer par le commencement et t’exposer la façon dont se sont présentés les motifs de ne plus y croire. Il y eut d’abord les déceptions répétées que je subis lors de mes tentatives pour pousser mes analyses jusqu’à leur véritable achèvement, la fuite des gens dont le cas semblait le mieux se prêter à ce traitement, l’absence du succès total que j’escomptais et la possibilité de m’expliquer autrement, plus simplement, ces succès partiels, tout cela constituant un premier groupe de raisons. Puis, aussi la surprise de constater que, dans chacun des cas, il fallait accuser le père , et ceci sans exclure le mien, de perversion, la notion de la fréquence inattendue de l’hystérie où se retrouve chaque fois la même cause déterminante, alors qu’une telle généralisation des actes pervers commis envers des enfants semblait peu croyable. La perversion, en ce cas, devrait être infiniment plus fréquente que l’hystérie (qui en résulte) puisque cette maladie n’apparaît que lorsque des incidents se sont multipliés et qu’un facteur affaiblissant la défense est intervenu. En troisième lieu, la conviction qu’il n’existe dans l’inconscient aucun indice de réalité de telle sorte qu’il est impossible de distinguer l’une de l’autre la vérité et la fiction investie d’affect.

‘ FAY CE QUE VOUDRAS ‘

Certes, nous ne disons pas que le fait d’être entendus par des psychanalystes fait de ces jeunes des analysants au sens strict du terme, mais dans de nombreux suivis, nous sommes témoins de l’éclosion d’une parole pleine, de franchissements et de remaniements psychiques. Au sein même d’un dispositif contraignant qui, de fait, rend impossible la cure type se produisent parfois, de surcroît, les effets de cette écoute singulière qui induit la réappropriation par le sujet de son histoire. S’ouvre alors un horizon de parole nouveau dans lequel les traumatismes ne sont plus à la même place. (…) Venir deux fois par semaine au cabinet de son thérapeute n’est plus une contrainte mais désormais l’occasion de s’ouvrir à sa propre parole, de développer sa capacité de penser et de créer par conséquent des conditions de réalisation impensables auparavant et dont les résultats n’apparaissent souvent dans la réalité que bien après coup. Plus que jamais, la possibilité de penser ce qui la rend impossible est sans doute la forme la plus vivifiante que peut prendre la psychanalyse aujourd’hui.

INTIME

L’espace où le sujet peut se tenir et s’éprouver hors du regard de l’Autre. Un espace en exclusion interne, une île, ce qu’on nomme à l’occasion le chez-soi, où le sujet échappe à la supposition même d’être regardé. C’est la possibilité du cacher. Il peut se faire qu’il n’y ait pour un sujet aucun lieu où il puisse ainsi échapper à cette supposition. Cela donne une idée de l’enfer.

LE CHAT ET LA SOURIS

Il existe de grandes similitudes entre analyse et écriture.
D’abord, dans l’un et l’autre cas, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, elles mobilisent une énergie si totale que s’en instaure un déplaisant état d’indisponibilité à tout ce qui leur est étranger – c’est-à-dire, en fait, tout le reste.
Ensuite, par le biais du regard intérieur qu’elles imposent, soit qu’il se concentre en propre sur l’univers mental où les temps se bousculent, soit sur l’exigence des personnages qui habitent leur créateur, l’une et l’autre impliquent un dédoublement dressant, entre celui qui les pratique et le monde extérieur, une cloche de verre ouatant les rumeurs de la vie.
Pas d’avantage que ceux qui n’ont jamais côtoyé la folie, ceux qui n’ont pu pénétrer au coeur de ce point focal de l’isolement ne peuvent comprendre ce que signifie une coupure absolue, ni le sens profond du mot « ailleurs ».