Le courage d’écrire
AVEC LE PSYCHANALYSTE, L’HOMME SE RÉVEILLE
« Qui n’a pas eu la chance de suivre les enseignements d’Olivier Grignon pourra découvrir, en lisant les textes de ses conférences ici réunies, le travail d’un psychanalyste soucieux de transmettre à ses auditoires une psychanalyse vivante, en mouvement, forgeant sa recherche en l’inscrivant systématiquement dans un permanent dialogue avec ses maîtres – Freud, Dolto, Lacan – et ses pairs.
Son incontestable talent réside en grande partie dans son effort permanent pour déplier ce qui, dans la théorie analytique, a tendance à s’ombiliquer pour devenir d’abord doctrine puis lettre morte. Olivier Grignon n’est pas en quête d’une théorie idéale et sophistiquée mais à la recherche de ce qui s’arrache de la clinique pour s’écrire et se dire conceptuellement.Il lit Lacan avec enthousiasme et s’émeut à chacune des trouvailles de ce dernier, ce qui contribue à nous le rendre à la fois proche et héroïque. Ce que dit Lacan, ça le secoue et il tente de nous transmettre cette émotion en cernant dans ce discours un Lacan tourmenté par les impasses et les apories, notamment freudiennes.
Olivier Grignon part de l’idée que le savoir psychanalytique n’est pas le référentiel de l’acte analytique. Du coup, le psychanalyste apparaît comme un être divisé entre sa tâche et son acte qui consiste à essayer de rendre compte de ce qu’il fait quand il se commet à apprendre de ses patients (Dolto). C’est pourquoi Olivier Grignon a de bonnes raisons de se demander si « vouloir enseigner ce qui ne se transmet pas » ne serait pas un symptôme.
Jean-Pierre Winter
[ … ] ‘ Si ça ne va pas, écris. Ecris ce que tu penses ; jusqu’au bout ( * jusque là où tu peux. Tu verras que tu ne peux pas beaucoup et cela t’étonnera de ne pouvoir dire par l’écrit que si peu. Des éclairs poétiques viendront à ta rescousse. Les tiens d’éclairs poétiques. Pas ceux des autres. Ils ne seront, ici, à cet instant d’aucun secours. Tu comprendras, sans le savoir encore, bien des choses et tu ne mourras pas tout à fait maintenant. Plus tard peut-être. Plus tard. Evidemment. Heureusement. ) Il faut y arriver pour que ce soit fini. Alors, si tu te retrouves vraiment, tu as franchi. Quand tu as tout écrit, tu n’es plus là-bas. C’est ça la mémoire. C’est un passage, un passage actif : se remémorer compte plus que les choses oubliées. Il faut que la merveille t’appelle, te réveille. Deux ou trois fois par nuit. Ou bien deux ou trois fois par semaine, chez son psychanalyste. Pendant des années. Je ne me rendormirai pas. Malgré la douleur de se lever. Dormir/écrire… et retomber dans les bras dit maternels du sommeil au terme de cette conjonction/disjonction. Le poinçon de l’acte d’écriture vous a poinçonné. D’où vient cette certitude (maladive?) que la guérison passe par là ? Pourtant, rien n’est changé : seulement dit – mais bien dit. Et écrit. Arrêté, en quelque sorte. Voilà. Une fois écrit, ce sera dit. ‘
Extrait p.125 ( * lequel n’est pas sans mon petit ajout )
Olivier Grignon, (1946 – 2013) était psychanalyste, membre fondateur du Cercle freudien (association pour la psychanalyse) dont il a été le président de 2006 à 2012. Il a été pendant de nombreuses années médecin-directeur du CMPP de Fontainebleau.