AU MOINS UN

Nombre de thérapies prétendent prendre en charge le corps plus que ne le ferait la psychanalyse qui est affaire de parole. Pourtant seule la parole touche véritablement au plus profond de notre être, là où les sensations de notre chair se donnent à lire, pour nous-mêmes et pour l’autre, dans l’étonnement renouvelé de la rencontre où nous prenons corps. Bien sûr le toucher peut aussi toucher : mais s’il touche vraiment, c’est qu’il est aussi parole. La main est métaphore de la parole comme elle peut signifier la manipulation. La psychanalyse n’a pas le monopole de la parole, elle n’est qu’une méthode pour ré-ouvrir un chemin à la parole là où celle-ci se trouve entravée. La théorie et la pratique psychanalytiques sont fondées sur cette reconnaissance de la dimension inconsciente d’un corps parlant qui n’est pas ce que nous en voyons, ce que nous en savons, en disons, ou ce que nous en faisons.

‘ ORDONNÉ, ÉCONOME ET ENTÊTÉ ‘

(…) et sur la base d’association phonétiques (Kakao, Wann haut’n- ) apaisait la conscience de culpabilité par une transmutation complète du contenu mnésique. (Translation d’arrière en avant, la nourriture dont on se défait devient la nourriture qu’on prend, le contenu honteux et qu’il faut cacher se transforme en secret devant faire le bonheur du monde.) Ce qui m’intéressa c’est la manière dont à la suite d’une défense, qui, certes, prenait la forme plus douce d’une protestation formelle, le sujet fut involontairement atteint, un quart d’heure plus tard, par la preuve la plus décisive, fournie par son propre inconscient

UNE VIE DEDANS ?

Comme la poésie, et proche de l’humour, la parole de l’analyste est un acte. Il n’y a pas de retour arrière et il n’y a pas à s’expliquer à son propos, sous peine de la détruire et de rester empêtré au coeur de la parole vide de nos indéfectibles fuites en avant. La souffrance et la répétition permettent son accès car ils sont déjà une tentative de sortir peut-être de notre camaraderie au symptôme, de notre aveuglement et autre surdité quant à nos gestes inadaptés, ou compulsifs, avec lesquels on peut se confondre jusqu’à ce que l’on appelle quelque fois notre identité.

J’AI VU DES MIRACLES SE PRODUIRE

Tu trembles, tu transpires, tu es au bord des vomissements. Tu penses que tu pourrais en mourir, mais finalement tu la dis cette putain de vérité, cette vérité dont tu as profondément honte. Pas une vérité abstraite. Pas une vérité  » spirituelle « , soigneusement formulée et conçue pour prévenir l’offense. Pas une vérité habilement emballée. Mais une vérité humaine désordonnée, enflammée, bâclée. Une vérité sanglante, passionnée, provocatrice, sensuelle. Une vérité mortelle, indomptée et sans fard. Et fragile, collante, suante, vulnérable. La vérité de ce que tu ressens. La vérité qui permet à l’autre de te voir à l’état brut. La vérité qui fait haleter, qui fait battre ton cœur. C’est la vérité qui te libérera.

AUX AMATEURS DE GRANDS ESPRITS

[ … ]  » A l’opposé de Karl Kraus, on trouve Thomas Smann et Stefan Zweig. Ce que le premier appréciait le plus dans la psychanalyse, c’est qu’elle avait râpé la vie de sa grossière naïveté, qu’elle l’avait dépouillée de ce pathos qui est propre de l’ignorance, bref qu’elle nous avait rendus plus subtils et plus modestes tout à la fois. « 

LA DÉFAITE DU SUJET

Puisque le neurobiologie semble affirmer que tous les troubles psychiques sont liés à une anomalie du fonctionnement des cellules nerveuses, et puisque le médicament adéquat existe, pourquoi devrait-on s’inquiéter ? Il ne s’agit plus désormais d’entrer en lutte avec le monde, mais d’éviter le litige en appliquant une stratégie de normalisation. On ne s’étonnera donc pas que le malheur que l’on prétend exorciser fasse retour de façon foudroyante dans le champ des relations sociales et affectives : recours à l’irrationnel, culte des petites différences, valorisation du vide et de la sottise, etc. La violence du calme est parfois plus terrible que la traversée des tempêtes.

AUSSI, JE VOUS AIME BIEN.

Pour vous dire ce qu’a été pour moi l’enseignement de cette séance et que je n’ai pas communiqué à mon patient.

L’enseignement ? Mais j’ai envie, non, je n’en ai pas envie, je me surprends à le faire : je vous parle comme à mon psychanalyste. Mon psychanalyste, c’est ce que vous êtes. Pas pour vous. Pour moi. Ce n’est donc pas vous enseigner que je veux. Mais vous faire part de la pensée qui s’est présentée à moi, non pas comme une trouvaille, non pas comme une découverte, mais comme quelque chose de nouveau qui est moi. Comme poésie. En ce sens, oui, il s’agit bien d’un enseignement.

FAIRE PAYER

‘ Donc si vous voulez, cela suppose que c’est lui-même qui investit toute son énergie, d’où cette idée que c’est incompatible avec quelque chose de médicale, de remboursé, d’assisté. C’est incompatible avec toute idée de prise en charge par un autre que soi-même puisqu’il s’agit, au contraire, que le sujet se prenne en charge lui-même [ … ] ‘